“En Madrid, en
Berlín, en Persia, en la China, en ambos polos, ¿dónde estaría yo sino en mi
mismo, y en el tipo y género de mis sensaciones? La vida es lo que hacemos de
ella. Los viajes son los viajeros. Lo que vemos no es lo que vemos, sino lo que
somos”.
Fernando Pessoa, p. 347, El libro del
Desasosiego.
Soñé en
Bogotá con una ciudad pequeña
caminé insomne
y no fue ligero
dije
Buenos días en la panadería
colgué
mi maletín sobre el pecho
escondí
mis anillos de plástico en el bolsillo
Dudé,
sin razón, del otro.
Osé
imaginar
vivir
cerca del mar
esperar
las mareas y el plancton
reconocer
los colores de las olas
descubrir
mis labios salados
después
de una caminata a media tarde.
Me
pregunté cómo era vivir
sin
pólvora ni trancones
ni
familias con los pies descalzos
ni
calles-basureros
ni
cacofonías de gente
con la
sonrisa a medias.
Sentí
durante
un par de años
un afán
incontrolable
de
partir.
Cambié
de país
y de
todo.
Me fui
a Lorient
extrañé
más a mi familia
quise
más a mis amigos
pagué
más por comer frutas
me
acostumbré al agua opaca
y al
cielo gris.
Casi
nunca tomé el bus
perdí
mi café favorito
visité
menos galerías
abandoné
mis libros
¿exceso
de calma?
Me
enamoré del mar
me fui
a Venecia.
Me
enamoré
de
Venecia.
Caminé
por París
descendí
al metro oscuro
negué
monedas a los violinistas
entendí
que perdería el silencio
respiré
nubes rosadas de polvo
y sin
embargo, quise vivir ahí.
Lloré
todo
soñé
los abrazos de mi abuelo
intenté
convencerme
de la
idea de gritar.
Caprichosa,
como él.
Añoré
mi primer hogar
el
español en los oídos
sus
boleros de fondo
mil
hojas verde infinito
montañas
más que cielo
recetas
saturadas de amarillo.
Tres
gerberas en la botella de vino
Maíz de
todas formas
visitas
no forzosas
te
quiero y no je t’aime
abrazar
más
necesitar
menos.
Entendí
las ciudades como mentiras.
Me
llevó años aceptar
Que a
la lengua que mejor hablo le pertenezco
y que
el exilio voluntario
es más
líquido que la sal.
____________
Fr.
" À
Madrid, à Berlin, en Perse, en Chine, à chacun des pôles, où serais-je sinon en
moi-même, et enfermé dans mon type et mon genre propre de sensations ? La vie
est-ce que nous en faisons. Les voyages, ce sont les voyageurs eux-mêmes. Ce
que nous voyons n'est pas fait de ce que nous voyons, mais de ce que nous
sommes."
Fernando Pessoa, p.347, Le livre de l’intranquillité.
Je rêvais à Bogota d’une petite ville
Je marchais insomniaque et ce n’était pas léger
Je disais Buenos días à
la boulangerie
Je portais mon sac sur la poitrine
Je cachais mes bagues en plastique dans la poche
Je doutais, sans raison, de l’autre.
J’ai osé imaginer
Vivre à côté de la mer
Attendre les marées et le plancton
Reconnaître les couleurs des vagues
Découvrir mes lèvres salées
Après une promenade de dimanche.
Je me demandais comment c’était de vivre
Sans embouteillages ni pétards
Ni familles aux pieds nus
Ni rues-déchèteries
Ni cacophonies de gens
avec le sourire à moitié.
J’ai senti
Pendant quelques années
Un désir incontrôlable
De partir.
J’ai changé donc de pays
Et de tout.
Je suis allée à Lorient
Je pensais encore plus à ma famille
J’aimais encore plus mes amis
Je payais plus chère les fruits
Je me suis habituée à l’eau opaque
au ciel gris.
Je ne prenais presque jamais le bus
Je perdais mon café préféré
Je visitais moins de galeries
J’abandonnais mes livres
Excès de calme ?
Je suis tombée amoureuse de la mer
Je suis allée à Vénice.
Je suis tombée amoureuse
De Vénice.
Je marchais à Paris
Je descendais à l’obscurité du métro
Je refusais des pièces aux violonistes
Je respirais des nuages roses de poussière
Je comprenais que j’allais perdre le silence
Néanmoins, je voulais vivre là.
Je pleurais tout
Je rêvais des bras de mon grand-père
J’essayais de me convaincre
De l’idée de crier.
Capricieuse, comme lui.
J’ai eu la nostalgie de mon premier chez-moi
L’espagnol dans les oreilles
Les boléros au fond
Mille feuilles vertes infinies
Des montagnes plus que du ciel
Les recettes saturées de jaune.
Trois gerberas dans la bouteille de vin
Du maïs en toutes les formes
Des visites spontanées
Te quiero et non
pas je t’aime
Prendre plus dans mes bras
Avoir besoin de moins.
J’ai compris que les villes sont des mensonges
J’ai mis des années avant d’accepter
Qu’à la langue que je parle mieux, je lui appartiens
Et que l’exil volontaire
Et plus liquide que le sel.